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un tam-tam à coups précipités et que des aveugles, assis à l’entrée d’un temple, cognent à tour de bras sur des cloches hérissées de pustules de bronze.

De temps à autre, des seigneurs de la cour du mikado fendaient la foule ; ils se rendaient incognito au théâtre ou à une des maisons de thé qui demeurent ouvertes toute la nuit, et dans lesquelles, délivrés des rigueurs de l’étiquette, ils pouvaient boire et se réjouir tout à leur aise.

Nagato, lui aussi, voyageait incognito et seul, il n’avait pas même un coureur pour écarter la foule devant lui ; il parvint pourtant à sortir de la ville sans avoir blessé personne. Alors il rendit les rênes a son cheval impatient, qui galopa bientôt dans une magnifique avenue de sycomores, bordée de pagodes, de temples, de chapelles que le prince voyait filer à droite et à gauche et qui lui jetaient aux oreilles un lambeau de prière ou de chant sacré. Une fois Ivakoura se retourna et regarda longtemps en arrière, il avait aperçu à travers les branches le tombeau de Taïko-Sama, le père de Fidé-Yori ; il songeait que les cendres de ce grand homme devaient tressaillir de joie, tandis que passait près d’elles celui qui allait porter le salut à son fils. Il dépassa les faubourgs et gravit une petite côte.