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L’USURPATEUR

frayait un peu de l’assourdissant tapage qui régnait dans Kioto. C’étaient les éclats de rire des femmes arrêtées devant un théâtre de marionnettes, le tambourin ronflant sans relâche et accompagnant les tours prodigieux d’une troupe d’équilibristes, les cris d’une dispute qui dégénérait en bataille, le timbre d’argent frappé par le destin répondant à un sorcier qui prédisait l’avenir à un cercle attentif ; les chants aigus des prêtres d’Odjigongem exécutant une danse sacrée dans le jardin d’une pagode ; puis les clameurs de toute une armée de mendiants, les uns montés sur des échasses, les autres accoutrés de costumes historiques ou ayant pour chapeau un vase dans lequel s’épanouit un arbuste en fleur.

Là, des frères quêteurs, vêtus de rouge, la tête entièrement rasée, gonflent leurs joues et tirent de sifflets d’argent des sons dont l’acuité perce le tumulte et déchire les oreilles ; des prêtresses du culte national passent en chantant et agitent un goupillon de papier blanc, symbole de pureté ; une dizaine de jeunes bonzes, jouant de toutes sortes d’instruments, tendent l’oreille et s’efforcent de s’entendre les uns les autres, afin de ne pas perdre la mesure de la mélodie qu’ils exécutent en dépit du charivari général, tandis que plus loin un charmeur de tortue heurte