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crime est familier à cet homme et qu’il veut se défaire de ceux qui entravent son ambition.

— Mais comment as-tu échappé aux meurtriers ? demanda la Kisaki, qui semblait prendre un vif intérêt à cette aventure.

— La lame bien affilée de mon sabre et la force de mon bras ont sauvé ma vie. Mais se peut-il que tu arrêtes ta sublime pensée sur un incident aussi futile ?

— Les assassins étaient-ils nombreux ? reprit la reine, curieuse.

— Dix ou douze peut-être, j’en ai tué quelques-uns, puis j’ai lancé mon cheval, qui a bientôt mis une distance suffisante entre eux et moi.

— Quoi ! dit la Kisaki rêveuse, cet homme qui a la confiance de mon divin époux est ainsi perfide et féroce. Je partage tes craintes, Ivakoura, et de tristes pressentiments m’envahissent, mais saurai-je persuader au mikado que nos prévisions ne sont point vaines. Je l’essayerai du moins pour le bien de mon peuple et pour le salut du royaume. Va, prince, sois à la réception de ce soir, j’aurai vu le maître du monde.

Le prince, après s’être prosterné, se releva, et, le front incliné vers le sol, s’éloigna à reculons ; il atteignit le rideau de satin. Une fois encore, malgré sa volonté, il leva les