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L’USURPATEUR

deux serviteurs de la Kisaki, mais il put entendre encore un cri étouffé qui s’échappa des lèvres de Fatkoura.

Après avoir marché quelque temps et traversé sans les voir des galeries et des salles du palais, Nagato arriva devant un grand rideau de satin blanc brodé d’or, dont les larges plis aux cassures brillantes, argentés dans la lumière, couleur de plomb dans la pénombre, s’amassaient abondamment sur le sol.

Les pages écartèrent cette draperie ; le prince s’avança, et les flots frissonnants du satin retombèrent derrière lui.

Les murailles de la salle où il entra’brillaient sourdement dans le demi-jour, elles jetaient des éclats d’or, des blancheurs de perles, des reflets pourpres, un parfum exquis flottait dans l’air. Au fond de la chambre, sous des rideaux relevés par des cordons d’or, la radieuse souveraine était assise, entourée des ondoiements soyeux de ses robes rouges ; les trois lames d’or, insigne de la toute-puissance, se dressaient sur son front. Le prince l’embrassa d’un regard involontaire, puis, baissant les yeux comme s’il avait regardé le soleil de midi, il s’avança jusqu’au milieu de la chambre, et se jeta à genoux, puis lentement il s’affaissa la face contre terre.