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L’USURPATEUR

Iza-Farou prit la lettre et fit entrer ses hôtes dans une salle fraîche et obscure où elle les laissa seuls.

— Ces pavillons communiquent avec le palais de la Kisaki, dit Fatkoura ; ma noble amie peut se rendre chez la souveraine sans être vue. Fassent les dieux que la messagère rapporte une réponse favorable et que je voie s’effacer le nuage qui obscurcit ton front.

Le prince paraissait, en effet, absorbé et soucieux ; il mordillait le bout de l’éventail en allant et venant dans la salle. Fatkoura le suivait des yeux et, malgré elle, son cœur se serrait ; elle sentait revenir l’angoisse affreuse qui lui avait arraché des larmes quelques instants auparavant, et que la présence du bien-aimé avait subitement calmée.

— Il ne m’aime pas, murmurait-elle avec désespoir ; quand ses yeux se tournent vers moi, ils m’épouvantent par leur expression glaciale et presque méprisante.

Nagato semblait avoir oublié la présence de la jeune femme ; il s’était appuyé contre un panneau à demi tiré, et paraissait savourer un rêve à la fois doux et poignant.

Le frémissement d’une robe froissant les nattes qui couvraient le plancher le tira de sa rêverie. Iza-Farou revenait ; elle paraissait se hâter et apparut bientôt au tournant de la