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— Veux-tu que je te broie de l’encre ? Voici longtemps que ton papier demeure aussi intact que la neige du mont Fousi. Si tu as une peine, jette-la dans le moule des vers, et tu en seras délivrée

— Non, Tika, on ne se délivre pas de l’amour, c’est un mal très-ardent qui vous mord jour et nuit et ne s’endort jamais.

— L’amour malheureux peut-être, mais tu es aimée, maîtresse ! dit Tika en se rapprochant.

— Je ne sais quel serpent caché au fond de mon cœur me dit que je ne le suis pas.

— Comment ! dit Tika surprise, n’a-t-il pas, par mille folies, dévoilé sa passion profonde ; n’est-il pas venu encore ces jours derniers, au risque de sa vie, car la colère de la Kisaki pouvait lui être funeste, pour t’apercevoir un instant.

— Oui, et il s’est enfui sans avoir échangé un mot avec moi, Tika ! ajouta Fatkoura en saisissant nerveusement les poignets de la jeune fille. Il ne m’a même pas regardée.

— C’est impossible ! dit Tika, ne t’a-t-il pas dit qu’il t’aimait ?

— Il me l’a dit, et je l’ai cru, tant je désirais le croire ; mais, maintenant, je ne le crois plus.

— Pourquoi ?

— Parce que s’il m’aimait, il m’eût épou-