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L’USURPATEUR

yeux sanglants. Parmi la foule quelques enfants poussent des cris d’effroi ; mais les tigres sont en carton, et des hommes, cachés dans chacune de leurs pattes, les font se mouvoir. Un tambour géant, de forme cylindrique, vient ensuite porté par deux bonzes ; un troisième marche à côté et frappe fréquemment le tambour de son poing fermé.

Enfin voici sept jeunes femmes splendidement parées, qu’un brouhaha joyeux accueille. Ce sont les courtisanes les plus belles et les plus illustres de la ville. Elles s’avancent l’une après l’autre, majestueusement, pleines d’orgueil, accompagnées d’une servante et suivies d’un serviteur qui soutient au-dessus d’elles un large parasol de soie. Le peuple, qui les connaît bien, les désigne au passage par leur nom ou leur surnom.

— Voici la femme aux sarcelles d’argent !

Deux de ces oiseaux sont brodés sur l’ample manteau à larges manches qu’elle porte par dessus ses nombreuses robes dont les collets sont croisés l’un au-dessous de l’autre sur sa poitrine ; le manteau est de satin vert, la broderie de soie blanche, mêlée d’argent ; la coiffure de la belle est traversée d’épingles énormes en écaille de tortue, qui lui font un demi-cercle de rayons autour du visage.

— Celle-ci, c’est la femme aux algues marines !