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L’USURPATEUR

noirs ou pourpres, on accroche des lanternes, des branches fleuries.

À mesure que la matinée s’avance, les rues s’emplissent de plus en plus de gai tumulte ; les porteurs de norimonos, vêtus de légères tuniques serrées à la taille, coiffés de larges chapeaux pareils à des boucliers, crient pour se faire faire place. Des samouraïs passent à cheval, précédés d’un coureur qui, tête baissée, les bras en avant, fend la foule. Des groupes s’arrêtent pour causer, abrités sous de vastes parasols, et forment des flots immobiles au milieu de la houle tumultueuse des promeneurs. Un médecin se hâte en s’éventant avec gravité, suivi de ses deux aides qui portent la caisse des médicaments.

— Illustre maître, n’irez-vous donc pas à la fête ? lui crie-t-on au passage.

— Les malades ne prennent point garde aux fêtes, dit-il avec un soupir, et comme il n’y en a pas pour eux, il n’y en a pas pour nous.

Sur les rives de Yodogava, l’animation est plus grande encore ; le fleuve disparaît littéralement sous des milliers d’embarcations ; les mâts dressés, les voiles encore ployées, mais prêtes à s’ouvrir comme des ailes ; les tentes des cabines recouvertes d’étoffes de soie et de satin ; les proues ornées de bannières dont les franges d’or trempent dans