Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 1.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tèrent chacun à leur guise, ce qui produisit un charivari assourdissant et joyeux.

La consternation la plus profonde régnait dans l’île ; on ne voulait pas croire aux événements : les jonques, si fortes et si belles, qui, tout a coup, s’abîmaient dans la mer ; les chaloupes pleines de soldats qui ne revenaient pas. Quel était donc cet ennemi qui frappait ainsi sans se montrer ? les sentinelles n’avaient aperçu qu’un frôle canot, monté par trois hommes qui, effrontément, cramponnés au navire, cognaient à tour de bras sur sa coque et l’éventraient, puis s’enfuyaient en les narguant.

Donc, plus de vaisseaux ; les chaloupes même leur manquaient, aucun moyen de quitter l’île. Ils s’y étaient établis comme dans une forteresse entourée d’un immense fossé. Protégés par leurs jonques de guerre, c’était, en effet, une excellente position. Mais maintenant la forteresse devenait pour eux prison ; si de prompts secours ne leur arrivaient pas, ils étaient perdus. Le chef qui commandait ces deux mille hommes — il se nommait Sandaï, — ordonna de choisir parmi les misérables bateaux appartenant aux habitants de l’île les deux meilleures barques. Lorsqu’on eut exécuté cet ordre, il fit monter cinq hommes dans chaque barque.

— Vous allez partir en toute hâte, leur