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la tête basse, attendaient leur sort. Ils étaient cinquante.

— Le plan audacieux que nous avons formé a réussi mieux que nous ne pouvions l’espérer, dit le prince ; je suis encore stupéfait qu’il ait pu se réaliser, mais puisque Marisiten le génie des batailles, le dieu à six bras, à trois visages, nous est à ce point favorable, ne nous reposons pas encore : il faut à présent cerner l’île de la Libellule et l’isoler du reste du monde, jusqu’au moment où l’armée du siogoun viendra nous relever.

— Bien ! bien ! crièrent les matelots enthousiasmés par leur récente victoire.

— Combien y a-t-il de soldats dans l’île ? demanda le prince à un des prisonniers.

Le soldat hésitait ; il regardait en dessous à droite et à gauche, comme pour demander conseil. Tout à coup, il se décida à parler.

— Pourquoi le cacherais-je ? dit-il. Ils sont deux mille.

— Eh bien ! s’écria le prince, cinglons vers l’île et n’en laissons sortir personne ; alors, ce n’est pas cinquante prisonniers que nous aurons faits, mais deux mille !

Des acclamations formidables accueillirent les paroles de Nagato ; on se mit en route. Bientôt le saké circula, les matelots entonnèrent un chant guerrier qu’ils chan-