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éclat d’acier. Aussitôt une traînée alternativement claire et sombre courut sur la mer, jusqu’au rivage, des étincelles bleues pétillèrent à la crête des vagues ; puis la lune parut comme l’arche d’un pont, et enfin elle s’éleva tout entière, pareille à un miroir de métal. On était hors de la portée des soldats, Nata avait pris les rames, Raïden frottait avec du saké la tête de Loo, appuyée sur les genoux du prince.

— Il n’est pas mort au moins, le pauvre enfant ! disait Nagato en posant sa main sur le cœur de Loo.

— Non, vois : sa petite poitrine se soulève péniblement, il respire, seulement il est glacé ; il faut lui retirer ses habits mouillés.

On le déshabilla ; Nata ôta sa tunique et en enveloppa l’enfant.

— C’est qu’il ne craint rien, ce petit-là, disait Raïden ; tu te souviens, prince, comme il m’a mordu, lorsque j’ai voulu me battre avec toi ? Je n’ai qu’un désir, c’est qu’il puisse me mordre encore.

Le matelot essaya d’écarter les dents serrées de Loo, et il lui versa dans la bouche un flot de saké.

L’enfant l’avala de travers, il éternua, toussa, puis ouvrit les yeux.

— Comment, je ne suis donc pas mort ? dit-il en regardant autour de lui.