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du rivage, ayant entre elles et la côte de Soumiossi ; l’île de la Libellule.

Bientôt elles apparurent à ceux qui montaient les canots, découpant en noir leurs grandes coques et leurs hautes mâtures sur l’obscurité moins intense du ciel ; placés presqu’au ras de l’eau comme ils l’étaient, ces jonques leur paraissaient gigantesques. Sur chacune d’elles un fanal brillait au pied du mât, il était masqué d’instant en instant par une sentinelle qui allait et venait sur le pont.

— Ces sentinelles vont nous apercevoir, dit Raïden à voix basse.

— Non, répondit le prince, le fanal éclaire l’endroit où elles se trouvent et les empêche de rien distinguer dans l’obscurité où nous sommes. Approchons maintenant, et puisse notre folle entreprise se terminer à notre gloire !

Les trois barques s’éloignèrent l’une de l’autre, et chacune d’elles alla, sans faire plus de bruit qu’un goéland qui glisse sur l’eau, accoster l’un des navires.

Le canot qui portait le prince s’était approché de la plus grande des jonques ; elle était placée entre les deux autres.

L’ombre s’amassait plus intense encore sous les flancs bombés du navire, l’eau noire clapotait, faisant cogner la légère embarcation contre la coque géante ; mais le