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son chagrin, les cils tout brillants de larmes, tournant vers lui son regard pur et lui ordonnant d’épouser sa rivale. Les moindres détails de sa parole, de son geste, le petit miroir au-dessus de son front qui jetait des rayons comme une étoile, étaient gravés dans son esprit avec une netteté surprenante.

— Cet instant fut douloureux, se disait-il, et cependant il me semble par le souvenir qu’il ait été plein de charme. Elle était là du moins, je la voyais, je l’entendais, le son de sa voix était un baume à la cruauté de ses paroles, mais maintenant quelle douleur de vivre, le temps est comme une mer sans borne, où pas un rocher, pas un mât de navire ne permet à l’aile exténuée de se reposer un instant !

On avait mis à la mer trois canots très-légers, qui saillissaient à peine au-dessus de l’eau. Dès que la nuit fut venue, Nagato choisit huit hommes parmi les plus intrépides, il garda avec lui Raïden et un autre matelot nommé Nata. Ils descendirent dans les canots, trois hommes dans chaque embarcation.

— Si vous entendez des coups de feu, venez à notre Recours, dit le prince de Nagato à ceux qui restaient.

Et les trois canots s’éloignèrent sans bruit. Ceux qui les montaient étaient armés de