Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 1.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le lieu était admirable : des arbres énormes dont les racines découvertes s’accrochaient comme des serres d’oiseaux de proie à la terre et aux roches se penchaient vers la mer ; des buissons, des arbustes faisaient crouler vers elles les touffes de leurs fleurs superbes ; les vagues étaient toutes jonchées de pétales envolés qui naviguaient, s’amassaient en îlots ou en longues guirlandes. Sur quelques rochers aigus les lames bondissaient en jetant une mousse blanche ; des mouettes s’envolaient qui semblaient de l’écume faite oiseau. L’eau avait un ton uniforme de satin bleu glacé d’argent, d’une douceur, d’un éclat incomparables, et le ciel gardait du soleil disparu une expansion d’or fluide qui éblouissait encore. Au loin, l’île de la Libellule, verte et fraîche, découpait ses contours d’insecte, la côte de Soumiossi, toute vermeille, s’étendait avec ses falaises dentelées, et au faîte du promontoire une petite pagode élevait son toit pointu, pavé de porcelaine, et dont les angles semblaient être relevés par les quatre chaînes qui se rattachaient à une flèche dorée.

Le prince songeait à un autre coucher de soleil, à celui qu’il avait vu du haut de la montagne, près de Kioto, avec la reine a ses côtés ; il fermait les yeux et il la revoyait, elle, si belle, si noble dans l’aveu muet de