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teurs de bannières, qui marchaient dans un ordre parfait en gardant le plus profond silence.

— En vérité, dit Raïden qui se releva et frotta ses genoux souillés de poussière, tout cela est fort beau, mais je préfère n’être qu’un matelot et marcher à ma guise sans cet attirail encombrant.

— Tais-toi donc, dit un autre, tu vas fâcher le seigneur.

— Il partage sans doute mon avis, dit Raïden, puisque étant prince il s’est fait matelot.

On gagna le plus prochain village, et avant d’avoir interrogé qui que ce fût, on était amplement renseigné sur ce qu’on voulait savoir. Plusieurs bourgs voisins immigraient dans celui-là. Les rues regorgeaient de monde, de chariots, de bestiaux. Un formidable brouhaha s’élevait de cette foule d’hommes et d’animaux. Les buffles, effrayés, beuglaient, s’écrasaient les uns les autres ; les pourceaux, sur lesquels on trébuchait, poussaient des hurlements aigus ; les femmes gémissaient, les enfants pleuraient ; et le récit des événements, toujours recommencé, courait de groupe en groupe.

— Ils ont pris l’île de la Libellule !

— En face de Soumiossi, on les voit de la côte. Les habitants de l’île n’ont pas pu fuir.