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sensé, j’ai joui de la vie, de la fortune, des honneurs comme si j’eusse été un prince tout-puissant.

— Eh bien ! tu me rendais service en accomplissant mes ordres, voilà tout. Ta ressemblance avec moi me servait à tromper mes ennemis et à affoler leurs espions.

— Tu as chassé tes ennemis aujourd’hui, continua Sado, et mon rôle de jeune fou est terminé ; mais songe, seigneur, combien je puis te servir dans la guerre qui commence. Grâce à des fards habilement préparés, j’arrive à faire de mon visage une image assez exacte du tien, je me suis accoutumé à imiter ta voix, ta démarche, beaucoup de tes amis ne connaissent que moi, et pour eux je suis le véritable prince de Nagato. Quel avantage dans une bataille d’être double ! J’attirerai l’ennemi d’un coté, tandis que tu agiras de l’autre. On te croira ici et tu seras ailleurs. J’ai bien accompli ma mission lorsqu’il s’agissait d’être fou et de répandre l’or à flots, je l’accomplirai mieux encore lorsqu’il s’agira d’être brave et de verser mon sang pour toi.

— Ta noble origine se révèle à moi dans tes paroles, dit le prince, et je t’estime assez pour accepter l’offre que tu me fais, je connais ton habileté aux choses de la guerre, elle nous sera précieuse. Mais, sache-le, dans cette lutte les dangers seront grands.