Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 1.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il s’aperçut alors que c’était le jeune Loo qui causait à lui seul tout ce bruit. Il était armé d’un sabre ébréché et tournait autour d’un paravent illustré de guerriers grands comme nature. Loo frappait du pied, poussait des cris étranges, insultait ces guerriers immobiles et les transperçait impitoyablement de son sabre.

— Qu’est-ce que tu fais là ? s’écria le prince moitié fâché, moitié riant.

Loo, à la vue de son maître, jeta son arme et se précipita à genoux.

— Qu’est-ce que cela signifie ? reprit Nagato ; pourquoi mets-tu ce meuble en pièces ?

— Je m’exerçais à la guerre, dit Loo d’une voix qu’il s’efforçait de rendre larmoyante. Ça, ajouta-t-il en montrant le paravent, c’est le château d’Ovari avec ses soldats ; moi, j’étais l’armée du siogoun.

Le prince se mordit les lèvres pour ne pas rire.

— Serais-tu brave, Loo ? dit-il.

— Ah ! oui, dit l’enfant, et si mon sabre coupait je ne craindrais personne.

— Je crois que si ces guerriers, au lieu d’être en soie et en satin, étaient en chair et en os, tu te sauverais à toutes jambes.

— Pas du tout ! s’écria Loo en s’asseyant sur ses talons. Je suis très-méchant et je me suis souvent battu ; une fois, j’ai arraché l’o-