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ton frère, dit la Kisaki ; il n’est pas dans ses œuvres un quatrain supérieur à celui-ci. Je veux conserver l’éventail que ta main a illustré ; je t’en prie, abandonne-le-moi.

Nagato s’approcha de la reine, et, s’agenouillant, lui remit l’éventail.

Fatkoura, brusquement, récita ce quatrain qu’elle improvisait :

« Le faisan court dans les champs ; il attire les regards par son plumage doré.

« Il crie en cherchant sa nourriture.

« Puis, il retourne vers sa compagne,

« Et, par amour pour elle, il découvre involontairement le lieu de sa retraite aux hommes. »

La reine fronça le sourcil et pâlit légèrement. Un mouvement de colère fit battre son cœur car elle comprit que Fatkoura, par cette improvisation, dirigeait contre le prince de Nagato et contre elle-même une calomnie outrageante ; elle insultait la souveraine avec l’intrépidité d’une âme qui a tout perdu et oppose à la vengeance un bouclier : le désespoir.

La kisaki, se sentant impuissante à punir, fut prise d’une vague terreur et elle dompta sa colère. Comprendre l’intention blessante des paroles de Fatkoura, n’était-ce pas avouer une coupable préoccupation, un intérêt indi-