Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 1.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lèvres ; on cause bruyamment et personne ne prête l’oreille aux mélodies que fait entendre un orchestre masqué par un paravent en fibres de roseau.

Seule, Fatkoura garde un visage sombre et demeure silencieuse. La princesse Iza-Farou l’examine à la dérobée avec une surprise croissante, elle considère aussi de temps à autre le prince de Nagato, qui semble absorbé par une rêverie pleine de douceur, mais ne tourne jamais les yeux du côté de Fatkoura.

— Que se passe-t-il donc ? murmure la princesse, il est certain qu’il ne l’aime plus ; moi qui croyais les noces si prochaines !

La collation terminée, la Kisaki se lève :

— Maintenant, dit-elle, au travail ! que chacun de nous s’inspire de la nature pour composer un quatrain en caractères chinois.

On se disperse sous les arbres du verger ; chacun s’isole et réfléchit, les uns arrêtés devant une branche en fleur, d’autres se promenant lentement, les regards fixés à terre ou levant la tête vers ce que l’on voit de ciel à travers les constellations de fleurs blanches ou roses. Quelques indolentes s’étendent sur le gazon et ferment les yeux.

Les couleurs fraîches et joyeuses des costumes éclatent gaiement sur la verdure et ajoutent un charme de plus au paysage.