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haie d’arbustes de thé. La reine pousse une porte à claire-voie et pénètre dans l’enclos.

C’est le lieu le plus ravissant que l’on puisse voir. Le printemps, à cette hauteur, est un peu tardif, et tandis que dans la vallée les arbres fruitiers ont déjà laissé choir toutes leurs fleurs, ils sont ici en pleine éclosion. Sur les ondoiements du terrain très-mouvementé et recouvert d’un épais gazon, les pruniers couverts de petites étoiles blanches, les abricotiers, les pommiers, les pêchers aux fleurs roses, les cerisiers couverts de fleurs pourpres, se courbent, se tordent, projettent de toutes parts leurs branches sombres dont la rudesse contraste avec la fragilité des pétales ouverts.

Au centre du verger, on a étendu un grand tapis sur l’herbe, et une draperie de satin rouge soutenue par des mâts dorés palpite au-dessus. La collation est disposée sur ce tapis dans des porcelaines précieuses.

C’est avec plaisir que les convives s’accroupissent devant les plateaux chargés de mets délicats ; la promenade a donné à tous de l’appétit. Les femmes s’installent en deux groupes à droite et à gauche de la Kisaki ; les hommes s’établissent en face d’elle à une distance respectueuse.

La plus franche gaieté règne bientôt parmi la noble réunion : le rire jaillit de toutes les