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mes n’osèrent parler, mais leur silence était des plus flatteurs, il pouvait se traduire ainsi : celui-ci est digne d’être aimé, même par une reine, car ce corps parfaitement beau est le temple de l’esprit le plus délicat, du cœur le plus noble de tout l’empire.

La princessse Iza-Farou-No-Kami s’approcha de Nagato :

— Vous ne m’avez pas demandé des nouvelles de Fatkoura, prince, lui dit-elle.

Le prince n’avait nullement songé à Fatkoura et il n’avait pas même remarqué son absence.

— Elle était malade hier, continua la princesse, mais l’annonce de votre arrivée lui a rendu la santé. Comme elle est triste depuis quelque temps, votre retour va la consoler peut-être. Vous la verrez tout à l’heure, elle est près de la Kisaki, c’est sa semaine de service. Eh bien ! vous ne dites rien ?

Le prince ne savait que dire ; en effet, le nom de Fatkoura éveillait en lui un remords et un ennui : il se reprochait d’avoir inspiré de l’amour à cette femme, ou plutôt d’avoir paru répondre à celui qu’il devinait en elle. Il s’était servi de cette fausse passion comme d’un écran placé entre les regards curieux et le soleil de son véritable amour. Mais il ne se sentait plus la force de soutenir son rôle d’amant épris, et, au lieu de la compassion et de