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violettes, de jolis buissons en fleur l’entouraient et se penchaient vers lui ; les nuages, ses parents, n’étaient pas encore dissipés que déjà les oiseaux venaient effleurer son eau du bout de leurs ailes et le réjouir de leurs chants ; il était heureux et jouissait de la vie, la trouvant bonne. Mais voici que les nuages se dispersèrent, et quelque chose de merveilleux, d’éblouissant apparut au-dessus de l’étang. Son eau s’emplit d’étincelles, des frissons diamantés coururent à sa surface ; il était transformé en un écrin magnifique ; mais les nuages revinrent : la vision disparut. Quelle tristesse alors et quels regrets ! L’étang ne trouva plus de charme aux caresses des oiseaux ; il méprisa les reflets que lui jetaient les fleurs de ses rives ; tout lui parut laid et obscur. Enfin, le ciel redevint serein, et cette fois pour longtemps. La lumineuse merveille reparut ; l’étang fut de nouveau pénétré de chaleur, de splendeur et de joie, mais il se sentait mourir sous ces flèches d’or de plus en plus brûlantes. Pourtant, si une branche légère projetait son ombre sur lui ; si un fin brouillard s’élevait et lui servait de bouclier ! comme il les maudissait de retarder d’une minute son délicieux anéantissement ! Le troisième jour, il n’y avait plus une goutte d’eau : l’étang avait été bu par le soleil.