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du bout de ses bâtonnets d’ivoire, il saisit l’ignoble insecte et le présenta au valet avec un regard terrible. Il ne restait plus d’autre ressource au malheureux serviteur que de s’ouvrir le ventre le plus promptement possible ; mais il paraît que cette opération n’était pas de son goût, car, s’approchant de son maître avec tous les signes de la joie la plus vive, il prit l’insecte et le mangea, feignant de croire que le prince lui faisait l’honneur de lui donner une bribe du repas. Les convives se mirent à rire devant ce trait d’esprit ; le prince de Figo lui-même ne put s’empêcher de sourire, et le cuisinier fut sauvé de la mort.

— Bien ! bien ! cria toute l’assistance, voilà une histoire qui ne blesse personne.

— C’est le tour de Nagato, dit Tsusima, il doit savoir de charmants contes.

Nagato eut un tressaillement comme si on l’eût tiré d’un profond sommeil, il n’avait rien écouté, rien entendu, absorbé dans la contemplation, pleine de délices, de la déesse qu’il adorait.

— Vous voulez un conte ? dit-il, en regardant les princes et les princesses comme s’il les voyait pour la première fois.

Il réfléchit quelques secondes.

— Eh bien, en voici un, dit-il : Il y avait un très-petit étang, né un jour d’orage, il s’était formé sur un lit de mousse et de