Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 1.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
L’USURPATEUR

genoux. Ses grands yeux purs, pareils à des yeux d’enfant, étaient peureux et suppliants, ses joues veloutées comme les ailes des papillons rougissaient un peu, et sa petite bouche entrouverte d’admiration laissait briller des dents blanches comme des gouttes de lait.

— Pardonne-moi, disait-elle, pardonne-moi d’être en ta présence sans ta volonté.

— Je te pardonne, pauvre oiseau tremblant, dit Fidé-Yori, car si je t’avais connue et si j’avais su ton désir, ma volonté eût été de te voir. Que veux-tu de moi ? Est-il en ma puissance de te faire heureuse ?

— Ô maître ! s’écria la jeune fille avec enthousiasme, d’un mot tu peux me rendre plus radieuse que Ten-Sio-Daï-Tsin, la fille du soleil.

— Et quel est ce mot ?

— Jure-moi que tu n’iras pas demain à la fête du Génie de la mer.

— Pourquoi ce serment ? dit le siogoun étonné de cette étrange supplique.

— Parce que, dit la jeune fille en frémissant, sous les pieds du roi, brusquement un pont s’effondrera et que, le soir, le Japon n’aura plus de maître.

— Tu as sans doute découvert une conspiration ? dit Fidé-Yori en souriant.

Devant ce sourire d’incrédulité, la jeune fille pâlit et ses yeux s’emplirent de larmes.