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et on les questionna sur les récents événements d’Osaka.

La Kisaki jeta un rapide regard sur le prince de Nagato ; elle fut frappée de l’air de faiblesse empreint dans toute la personne du jeune homme ; mais elle surprit dans ses yeux un étrange rayonnement plein de fierté et de joie.

— Il a lu les vers que je lui ai donnés, pensa-t-elle. Suis-je folle d’avoir écrit cela !

Elle lui fit signe cependant de s’approcher.

— Imprudent, lui dit-elle, pourquoi t’être mis en route si faible, si malade encore ?

— Tu as daigné protéger ma vie, divine reine, dit le prince, pouvais-je tarder plus longtemps à venir te témoigner mon humble gratitude ?

— Il est vrai que ma prévoyance t’a sauvé de la mort, mais n’a pas réussi à te préserver de blessures terribles, dit la reine ; il semble que tout ton sang ait coulé hors de tes veines. Tu es pâle comme ces fleurs de jasmin.

Elle lui montrait une branche épanouie qu’elle tenait entre ses doigts.

— Tu as dû souffrir beaucoup, ajouta-t-elle.

— Ah ! puis-je t’avouer, s’écria Nagato, que pour moi la douleur physique est un soulagement : il est une autre blessure plus poignante, celle dont je meurs, qui ne me laisse pas de repos.