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avec son ami, ton impatience à partir me prouve que l’on ne m’avait pas trompé, tu es amoureux, Ivakoura, tu es aimé, tu es heureux !

Et il poussa un long, un profond soupir.

Le prince le regarda, surpris de ce soupir et s’attendant à une confidence, mais le jeune homme rougit un peu et changea de conversation.

— Tu vois, dit-il en ouvrant un volume qu’il tenait sur ses genoux, j’étudie le livre des lois, je cherche s’il n’a pas besoin d’être épuré, adouci.

— Il contient un article que je te conseille de supprimer, dit Nagato.

— Lequel ?

— Celui qui a trait au suicide mutuel par amour.

— Comment est-il donc ? dit Fidé-Yori en feuilletant le livre. Ah ! voici : « Lorsque deux amants se jurent de mourir ensemble et s’ouvrent le ventre, leurs cadavres sont saisis par la justice. Quand l’un des deux n’est pas blessé mortellement, il est traité comme assassin de l’autre. Si tous les deux survivent à leur tentative de suicide, ils sont mis au rang des réprouvés. »

— C’est inique, dit Nagato ; n’a-t’on pas le droit d’échapper par la mort à une douleur par trop vive ?