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pays ? Sa jeune intelligence n’était point mûre encore, et j’ai su lui éviter les ennuis du gouvernement. Moi seul je possède les instructions du grand Taïko et moi seul je puis poursuivre l’œuvre gigantesque qu’il a entreprise. L’œuvre n’est pas achevée encore. Donc, pour obéir à ce chef vénéré, je dois, malgré ton avis, retenir entre mes mains le pouvoir qui m’a été confié par lui ; seulement, pour le montrer combien je tiens compte de tes conseils, dès aujourd’hui le jeune Fidé-Yori prendra part aux graves occupations dont jusqu’à présent j’ai porté seul le poids. Réponds, Fidé-Yori, ajouta Hiéyas ; proclame toi-même que j’ai parlé selon ton cœur.

Fidé-Yori tourna lentement son visage très-pâle vers Hiéyas et le regarda fixement.

Puis après un instant de silence, il dit d’une voix un peu tremblante, mais pleine de mépris :

— Le bruit qu’a fait le pont de l’Hirondelle en s’écroulant devant mes pas m’a rendu sourd à ta voix.

Hiéyas pâlit en présence de celui qu’il avait essayé de pousser vers la mort, il était humilié par son crime. Sa haute intelligence souffrait de ces taches de sang et de boue qui rejaillissaient jusqu’à elle ; il les voyait dans l’avenir obscurcir son nom qu’il voulait glorieux, certain que son devoir envers son pays