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L’USURPATEUR

— Je me suis rendu à l’endroit de la route que tu m’as désigné, maître tout-puissant, dit l’envoyé. À cet endroit, le chemin est tout couvert de morts. J’ai compté quarante hommes et quinze chevaux. Des paysans étaient groupés autour des morts ; ils les palpaient pour voir s’il ne leur restait pas un souffle de vie ; d’autres poursuivaient des chevaux blessés qui couraient à travers les rizières. J’ai demandé ce qui s’était passé ; on m’a dit qu’on ne le savait pas ; on avait cependant vu passer au soleil levant une troupe de cavaliers du divin mikado qui allait du côté de Kioto. Quant aux hommes morts sur le chemin rouge de leur sang, ils portaient tous des costumes sombres, sans aucun insigne, et leur visage était à demi caché par leur coiffure d’après, la mode des bandits et des assassins.

— Assez ! s’écria Hiéyas, les sourcils froncés. Va-t-en !

L’envoyé se relira ou plutôt s’enfuit.

— Il m’a échappé cette fois encore, dit Hiéyas. Eh bien ! c’est moi-même qui le frapperai ; le but que je veux atteindre est assez noble pour que je n’hésite pas à me servir de moyens infâmes pour renverser les obstacles qui se dressent sur mon chemin. Faxibo, ajouta t-il en se tournant vers l’ancien palefrenier, fais entrer ceux qui attendent.