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L’ORIENT.

têtes de femmes, une surtout nous a frappé : — c’est une jeune fille tsigane, coiffée d’un bout de foulard jaune, et brune de ton comme une Indienne du Malabar ou de Ceylan : l’ovale du masque est très-allongé ; le nez mince et fin d’arête a une noblesse singulière ; un demi-sourire erre avec mélancolie sur les lèvres presque violettes comme celles d’une négresse, et les yeux vous traversent l’âme par leur éclat stellaire et leur pénétration fatidique : ce sont bien là des prunelles qui doivent lire couramment dans les astres et dans l’avenir. — Les maquignons, les forgerons, les musiciens abondent ; car tout Tsigane se mêle d’un de ces métiers et souvent les professe tous trois. Avec quelle indolente rêverie ce Bohême au teint couleur de revers de botte penche les longues boucles de ses cheveux sur son violoncelle ! comme il s’endort et se berce dans sa musique ! En le dessinant, M. Valerio a dû se souvenir du Lied de Lenau :

« En passant au milieu des bruyères, j’ai trouvé trois Bohémiens couchés sous un saule.