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L’ORIENT.

pouvant la faire belle, tu l’as faite riche. »

Les mousselines ne sont pas moins admirables dans leur blancheur transparente ; c’est du vent filé, de l’air tissu, de la brume condensée. Quels plis fins, quelle souplesse ! elles n’habillent pas, elles caressent comme un baiser les corps qu’elles enveloppent. Les unes sont tout unies, et ce ne sont pas les moins belles ; les autres ont çà et là une étincelle d’argent ou d’or, une feuille de rose du Bengale ou une aile verte de bupreste arrêtée dans leur trame. Comme elles doivent voler légèrement, ces longues écharpes blanches piquées de point de lumière, sur le corset de pierreries des bayadères qui, ivres du parfum des fleurs de Siricha, suspendues le long de leurs joues brunes, s’avancent en tourbillonnant devant la procession de la trois fois sainte Trimurti, dans les rues d’Hyderabad ou de Bénarès ! Comme elles doivent boire sur le corps poli de Vasentasena les pleurs sacrés du Gange au bas des terrasses de marbre !

Les toiles d’ananas et d’aloès, les indiennes, les cotonnades, les madras, les soies