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L’ORIENT.

nesa, le dieu de la Sagesse, que quelque mauvais plaisant, voltairien à sa manière, lui aura arraché dans un moment de belle humeur ? Non ; l’Indien dévot ne se permet pas de ces facéties : c’est bien la proboscide du monstrueux animal arrangée en tuyau de caoutchouc ; ces lourdes défenses d’ivoire, qui semblent dérobées à ce cimetière où se rendent les éléphants millénaires pris de la pudeur de la mort, ces soies de sanglier ou de chèvre, ces nageoires de requin, ces nids d’hirondelle-salangane qu’un Chinois mettrait tout de suite en potage, ne forment-ils pas au bout de quelques minutes à l’œil de l’âme une ménagerie hurlante, glapissante, fourmillante, comme le bois dont il est parlé dans la pièce de Nourmahl la Rousse des Orientales ?

Si vous le permettez, nous nous arrêterons aujourd’hui à Lahore, qui se dessine là-bas sous une cage de verre ; une étape de trois mille lieues fatigue, même quand on ne la parcourt que la plume à la main.

Il est vrai que ce n’est pas Lahore elle-