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L’ORIENT.

qui nous étonne profondément, c’est que, parmi les gens riches qui promènent leur ennui à Spa, à Bade et autres villes d’eaux et de jeux, mille fois plus connues que le boulevard de Gand, et moins amusantes, il ne s’en trouve pas qui aient l’idée d’aller passer la saison à Lahore, à Bénarès ou à Calcutta.

Il paraît que les millions, par la possibilité de tout faire, engourdissent l’imagination ; autrement, ne serait-il pas inconcevable que des jeunes gens doués d’une grande fortune se contentent, pour tout régal, d’avoir cinq ou six chevaux maigres dans leur écurie, une danseuse plus maigre encore dans leur petite maison, des voitures et des habits faits à Londres, et un appartement bourré, par un tapissier, de magnificences banales où l’on voit des tentures à 100 francs le mètre, et pas un tableau qui vaille 50 francs ? Le riche, probablement, est comme l’avare ; il a le monde plié en billets de banque dans son portefeuille, et cela lui suffit ; il se figure l’Inde du perron de Tortoni ou de le Maison de conversation, ou plutôt il n’y songe même pas.