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ACROBATES ET SALTIMBANQUES ORIENTAUX.

tigre, non pas en tigre de Barye ou de Delacroix, mais en tigre de potiche, en chimère japonaise, avec un pelage jaune-serin et des zébrures roses. La tête, modelée en carton, était extravagamment farouche, et le corps, composé d’un fourreau de soie, prenait les attitudes que lui imprimait le jongleur. Nous admirions la vérité de mouvements de ce tigre fantastique, qui se léchait les pattes et se les passait sur le mufle comme un tigre de Méry, dans le roman d’Héva, quand tout à coup le monstre disparut, et nous vîmes à sa place une figure falote, avec un masque rouge, qui sautait çà et là, en poussant des gloussements singuliers à la façon des clowns.

L’exercice de la toupie est vraiment très-gracieux. C’est un autre jongleur qui l’exécute ; il a près de lui, pour le servir et lui tendre les accessoires dont il a besoin, sa femme et deux enfants. La petite fille, engoncée dans son bizarre costume, nous rappelait cette fillette étrange vêtue de lumière et d’or et qui a un chapon pendu à la ceinture dans ce miraculeux tableau de Rembrandt