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CHINOIS ET RUSSES.

et tirant la langue comme des lions lampassés de gueules. Les rennes, à l’aspect de ces fantoches horrifiques placés sur leur passage, s’enfuient dans la direction voulue, et sont pris ou tués. — Les Chinois, pour effrayer l’ennemi, ne plantaient-ils pas sur sa route des paravents couverts de chimères ridicules ? Mais les Européens, moins craintifs que les rennes, crevaient d’un coup de pied le papier formidable et passaient.

Une surprise nous était réservée en traversant le domaine de la Prusse. Un kiosque charmant, du goût arabe le plus pur, ciselé comme un brûle-parfums, colorié comme un cachemire, arrondissait tranquillement sa coupole argentée, dans cette région à coup sûr peu orientale. On y travaillait encore. Nous y entrâmes, et l’architecte nous expliqua le mystère d’un mot. Il était de Kœnigsberg, et fabriquait des kiosques pour le vice-roi d’Égypte. Il ne faut pas trop s’étonner. On fait très-bien l’architecture arabe en Allemagne. La Wilhelma de Stuttgard est la plus délicieuse imitation de l’Alhambra