Page:Gautier - L’Orient, tome 1, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
L’ORIENT.

men. Il était devenu improper et chacun lui tournait brusquement le dos.

Ayant franchi le Rubicon social, il ne courait plus aucun risque à se lancer en pleine couleur locale ; il accepta une tranche de saucisson d’Arles que lui offrait le Marseillais, et but une gorgée de vin de Lamalgue dans la tasse de vermeil d’un vieux pope, accompagné de sa femme, non moins âgée que lui, et d’un corbeau centenaire, commensal familier du pauvre ménage, qui sautillait en poussant des cris. — Un corbeau familier croassait et battait des ailes aussi rue de la Vieille-Lanterne, sur le palier de la rampe fangeuse, maculée de neige, près des hideux barreaux, et peut-être à son heure suprême le pauvre Gérard de Nerval, par un de ces sauts de pensée si fréquents aux moments solennels, se souvint-il du corbeau rencontré sur le pont du navire. L’escarbot roulant sa boule, le corbeau poussa des cris, n’étaient-ce pas des présages funèbres ?

On eut bientôt dépassé Sayda (Sidon) et Sour (Tyr), et le soir l’on arriva à Saint-Jean