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L’ORIENT.

sur le tillac, roulé dans mon manteau comme un homme profondément endormi, et que le sérail était jonché de corps assoupis faisant bosse sous des monceaux de couvertures imprégnées de la rosée, la jeune femme se réveilla, se redressa à demi appuyée sur un de ses bras, et, ne voyant pas d’œil ouvert autour d’elle, écarta son voile pour respirer sans intermédiaire le souffle pur et frais de l’aurore ; elle avait de grands yeux étonnés, doux et tristes, des yeux d’antilope ou de gazelle, comparaison à laquelle il faut bien revenir, quoiqu’elle ne soit pas neuve, lorsque l’on parle d’yeux orientaux, car il n’y en a pas de meilleure, et nulle autre ne rendrait aussi bien leur sérénité animale. Son teint d’une blancheur particulière, et dont nos teints les plus purs ne sauraient donner l’idée, ressemblait à la pulpe des pétales de certaines fleurs de serre qui ne reçoivent jamais l’impression directe de l’air ou du soleil ; on y sentait la fraîcheur incolore et la pâleur mate d’une ombre perpétuelle, sans aucune apparence de souffrance ou de maladie. J’a-