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TROP TARD

Ma mère s’assit sur la chaise longue et m’attira près d’elle : il y avait dans son air quelque chose de contraint, pourtant elle souriait.

— Comme c’est étrange ! dit-elle.

— Ah ! je t’en conjure, parle-moi d’elle.

— C’est la comtesse Grégorowna Samanof, la sœur d’un ami de mon mari.

— Je savais bien qu’elle était Russe. Où est-elle ?

— À Moscou, sans doute.

— Nous irons. Elle est venue ici, n’est-ce pas ?

— Oui, quinze jours ; tiens, elle habitait justement cette chambre. »

J’eus un éclair d’orgueil dans les yeux.

— « Comment se fait-il que je ne la connaisse pas ?

— Tu la connais : tu l’as vue souvent quand tu étais petit, c’était déjà une grande personne ; tu t’es souvenu de sa beauté sans te souvenir d’elle.

— Ah ! je comprends maintenant la persistance de mon désir !

— Nous avons passé plusieurs mois chez elle à Pétersbourg, continua ma mère ; tu as fait là une grave maladie qui a manqué t’emporter. Oui, je me souviens maintenant, tu ne voulais voir qu’elle ; la drogue la plus amère, tu la prenais de sa main