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TROP TARD

tience fiévreuse, à un désir impérieux d’étreindre mon idole autrement qu’en rêve ; mais comment l’atteindre ? où la chercher ?

J’étais à Paris, où j’étudiais soi-disant la médecine ; mais j’eus bientôt besoin moi-même de médecin. Cette tension de toutes mes facultés vers un être insaisissable, ces désirs fous se débattant dans le vide, me procurèrent une fièvre nerveuse dont les ardeurs délirantes ne firent qu’accroître ma folie.

Ma mère quitta précipitamment les Trembles et vint s’installer à mon chevet. Sa présence ne me calma pas ; mais un beau matin j’envoyai au milieu de la chambre les poudres, les potions, les pilules dont on m’assassinait depuis des mois, et je déclarai à ma mère que ce n’était pas cela qu’il me fallait, que mon mal était moral et que les médecins n’y connaissaient rien.

— « Mon Dieu ! qu’est-ce que tu as ? Que veux-tu ? dit-elle, me croyant pris d’un accès de délire.

— Ce que je veux ! m’écriai-je avec une véhémence qui lui fit peur, je veux courir les bals, les soirées, les fêtes, chercher, jusqu’à ce que je la trouve, la femme que j’aime et conquérir son amour.

— Tu es amoureux. J’aime autant cela, dit ma