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nes ou sinistres se glissaient. Quelques cafés borgnes occupaient le centre des carrés dont les arbres avaient longtemps gardé marquée la dent des chevaux de l’Ukraine. Bien petit était le nombre des maisons groupées près de la chaussée ; le mouvement de la population ne s’était pas encore porté par là.

Les deux rotondes de la barrière de l’Étoile avec leurs colonnes aux assises alternativement rondes et carrées, subsistaient encore et même ne faisaient pas mal au bout de la perspective, le mur d’enceinte n’était pas abattu et l’on ne parlait des fortifications non plus que de la grande muraille de la Chine ; la grande route de Neuilly gagnait Courbevoie accompagnée de plus d’arbres que de maisons à travers des terrains vagues ou de limites de planches situés en contre-bas de la chaussée. Dans ces steppes poussiéreux brillait, comme le coquelicot sur le bord d’un de ces champs de blé de la banlieue ravagé par les flâneurs et les flâneuses du dimanche, le cabaret unique qui s’appelait en ce temps-là le Petit Moulin Rouge, qu’on est prié de ne pas confondre avec le Grand Moulin Rouge de l’allée des Veuves ; l’installation chère, la compagnie surtout y différaient. On n’y voyait ni lorettes, ni cocottes, ni biches, ni petites dames, ni figurantes de la danse ou du chant, ni même de grisettes. L’armée des mercenaires n’était pas encore entrée en campagne, et d’ailleurs, comme le disait Gérard de Nerval, en ce temps-là il y avait encore des amours. Il fallait