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et nous remontâmes à la lumière en perçant la voûte opaque à l’endroit où nous nous trouvions.

Quelques années plus tard, en Espagne, à Jaën, une ville d’aspect africain et féroce qu’entourent des restes de murailles moresques aux créneaux tailladés en scie et des collines fauves comme des peaux de lion, où l’on ne marche qu’armé jusqu’aux dents, et où l’on ne va chercher une botte de piment sur la place que la navaja à la ceinture et la carabine sur l’épaule, nous vîmes le long d’un mur, entre le parador et la cathédrale, une immense affiche portant ces mots : El campañero de San Pablo por el illustrissimo señor Don José Bouchardy.

La gloire de Bouchardy avait franchi non-seulement les Pyrénées, mais encore la Sierra-Morena, où Don Quichotte imita la pénitence d’Amadis sur la Roche-Pauvre et où Sancho trouva près de la mule morte la valise de Cardenio, et venait rayonner romantiquement, à Jaën, après une classique représentation de Mérope.

À Valladolid, nous avions rencontré Hernani, traduit par don Eugenio de Ochoa, et qui se comportait aussi bravement qu’à la rue Richelieu.

L’élève précédait le maître comme un héraut d’armes sur le chemin des Espagnes.

À cette époque, Bouchardy n’eut pas osé rêver de tels succès ; il gravait encore à la manière noire chez Reynolds. Aucun de nous, sauf Gérard de Nerval, n’était connu ; mais nous étions soulevés comme par des souffles et il nous semblait que nous allions