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veries sereines et plaintes passionnées, idylles antiques et poèmes amoureux, tous les tableaux ici rassemblés, quelle que soit la variété des sujets et des styles, sont liés par une chaîne continue, la croyance à la vie des choses. Les inspirations nous sont venues du dehors. S’il est resté dans notre œuvre quelque chose de nous, si les objets que nous avons touchés gardent une apparence presque humaine, c’est que l’esprit s’unit à ce qu’il embrasse et pénètre ce qu’il anime ; vainement il voudrait n’être qu’un écho, il demeure un interprète. Tantôt nous décrivons des paysages solitaires, des bois, des monts, des océans livrés à eux-mêmes ; tantôt nous enchâssons dans un cadre étroit des idées à moitié transformées en images ; parfois encore, des femmes jeunes et belles paraissent à la lisière d’un bois ; on les voit s’ébattre au son de pipeaux invisibles. Mais sous toutes les couleurs, sous tous les visages, c’est la nature qui vit telle que la font les heures et les saisons ; la nature, l’enchanteresse qui préside à l’épanouissement des fleurs, à la naissance involontaire des instincts amoureux ; la consolatrice qui berce et qui apaise les désir inassouvis ; l’antique Cybèle enfin, celle à qui les Grecs donnèrent tant de noms, tant de masques divinisés ! »

André Lefèvre est, comme on le voit, franchement panthéiste, en poésie du moins. Les formes se dégagent perpétuellement du sein des choses pour y retomber bientôt et renaître encore. Dans le moule idéal, la matière en fusion coule et se fige jusqu’à