Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà avec une fidélité que n’ont pas toujours les poëtes. Voici ses propres paroles : « Selon nous, il est ici-bas trois grands et trois magnifiques métiers, auxquels sont dus les honneurs de la muse : l’agriculture, la guerre, la navigation. Laboureurs, soldats et malelots, telles sont les trois primordiales divisions de la famille humaine ; les trois plus considérables catégories de notre espèce laborieuse, souffrante et glorieuse, résident là tout entières. »

Laboureurs et soldats ont suivi de près les Poëmes de la mer, et les trois grandes catégories humaines ont été célébrées en beaux vers, qui tiennent de Laprade pour la sérénité lumineuse et de Méry pour le timbre d’or des rimes. Milranah et la Vie rurale, qui servent de complément à Soldats et laboureurs, montrent chez le poëte la persistance de l’idée émise en son premier volume.

L’école romantique a remis en honneur le sonnet, depuis si longtemps délaissé. La gloire de cette réhabilitation appartient à Sainte-Beuve, qui, dans les poésies de Joseph Delorme, s’écria le premier :


Ne ris pas des sonnets, ô critique moqueur !


Il en a fait lui-même qui valent de longs poèmes, car ils sont sans défauts, et depuis lors cette forme charmante, taillée à facettes comme un ilacon de crislal, et si merveilleusement propre à contenir une goutte de lumière ou d’essence, a été essayée par un grand nombre de jeunes poètes. On a remar-