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ce que peut bien être cette Rome dont on parle tant. Pierre Dupont vivait en pleine fournaise sur le cratère même du volcan, et chaque événement politique lui inspirait un chant dont il composait l’air, et qu’il chantait lui-même comme un aëde antique dans les réunions, les clubs et les ateliers, d’une voie pure et sonore, que bientôt la fatigue brisa, car on lui redemandait sans cesse ces stances dont le refrain était souvent repris en chœur, dès le second couplet, par l’assistance enthousiasmée. On eut ainsi pendant quelques mois ce spectacle assurément original et rare dans une civilisation aussi avancée que la nôtre, d’un poëte accomplissant sa fonction d’une façon directe, et communiquant en personne avec le public au lieu de confier son inspiration au livre. Il ne lui manquait que la lyre primitive faite d’une écaille de tortue et de cornes de bœuf.

La chanson politique de Pierre Dupont contient plus d’utopie que de satire, plus de tendresse que de haine. Il rêve la fraternité, la paix universelle, l’accession de tous au bonheur. Selon lui, le glaive brisera le glaive et l’amour sera plus fort que la guerre. L’étreinte de la lutte est une sorte d’embrassement, et les peuples qui se sont combattus sont bien près de s’aimer. À travers toutes ces chimères au moins généreuses reparaît toujours l’aspiration à la vie champêtre. Le sentiment profond de la nature perce au milieu d’un couplet qui veut être socialiste. Le Chant des ouvrions, qui ressemble sous