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vivant, de si vrai, de si pareil aux spectatrices de la salle ne s’était montré au théâtre : il semblait qu’on regardât, non sur une scène, mais par un trou, dans une chambre fermée, une femme qui se serait crue seule.

Le Théâtre-Français doit avoir le remords de ne s’être pas attaché cette grande actrice, comme il aura plus tard le regret d’avoir laissé Frédérick, un acteur plus grand et plus vaste que Talma, s’abrutir à la Porte-Saint-Martin ou courir la province.

Nous avons au moins une consolation : ces éloges, fleurs funèbres que nous jetons sur la tombe de la grande actrice, nous n’avons pas attendu qu’elle y fût couchée, pour les lui offrir : elle a pu, vivante, jouir de cette admiration compréhensive et passionnée, de ces louanges enthousiastes, ambroisie plus douce aux lèvres des artistes que le vin de la richesse dans des coupes d’or ciselées. Nous ne sommes pas de ces panégyristes posthumes qui n’exaltent que les défunts, et vous reconnaissent toutes les qualités possibles dès que vous êtes cloué dans la bière. Pourquoi ne pas être tout de suite, pour les contemporains de génie ou de talent, de l’avis de la postérité ? pourquoi ces effusions lyriques adressées à des ombres ?

Le plus lointain souvenir que nous ayons sur madame Dorval, c’est la première représentation de Marion de Lorme. Le drame venait de la prendre au mélodrame ; la poésie au patois du boulevard. Aussi comme elle était heureuse et liùre ot rayonnante !