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tation d’un maître. La musique italienne ne devait pas le charmer beaucoup, avec son insouciance de l’harmonie et son chant facile, qui ne se préoccupe ni des paroles ni de la situation, et court sur un fond uni comme les légères arabesques de Pompeï, agréable par lui-même, indépendamment de la signification. Mais cette belle et grandiose nature agit fortement sur lui et il en garda une durable impression pittoresque. Cependant les œuvres qu’il écrivit à Rome montrent que ses préoccupations étaient ailleurs. Alavilla Medici, sous les pins en ombelle des jardins Panfili ou Borghèse, dans la solitude du Champ romain, il pensait à Shakspeare, à Gœthe, à Walter Scott ; il faisait le Retour à la vie, la Ballade du pêcheur, la scène de l’ombre d’Hamlet, l’ouverture du Roi Lear et de Rob-Roy.

Aucune trace de son séjour en Italie ne se remarque dans ses compositions de cette époque. Ses prédilections le poussaient vers l’Allemagne, où il ne put aller. Aux représentations des acteurs anglais, qu’il suivait en admirateur passionné de Shakspeare, à force de lui voir représenter Ophélie, Cordélia, Portia, et toutes ces charmantes héroïnes si tendres et si romanesques ; il s’éprit de miss Smithson, une actrice de grand talent et de grande beauté, qu’il épousa, et dont la maladie, à son retour de Rome, l’empêcha de visiter la patrie de Bach, de Mozart, d’Haydn et de Beethoven. Henri Heine raconte que Berlioz, au temps de sa passion, pour admirer son idéal de plus près, et peut-être n’ayant pas assez