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plus intelligibles symphonies de Beethoven, qu’on trouvait barbares, sauvages, délirantes, inexécutables, bien qu’on les jouât, et que les classiques d’alors prétendissent n’être pas plus de la musique, que les vers de Victor Hugo n’étaient de la poésie, et les tableaux d’Eugène Delacroix de la peinture. Pour faire admettre le Freyschütz de Weber, Castil-Blaze était obligé de le travestir en Robin des Bois et d’y ajouter beaucoup du sien. Rossini lui-même, avec sa lumineuse et souriante facilité, passait aux yeux des sages pour une mauvaise tête musicale, un novateur dangereux qui corrompait la belle simplicité des maîtres ; on lui reprochait le vacarme de son orchestre, le tintamarre de ses cuivres, le tonnerre de ses crescendo. — On conçoit aisément que dans un tel milieu Berlioz ne devait pas rencontrer beaucoup d’encouragements, mais il était de ceux qui savent se passer de succès. Une irrésistible vocation l’avait entraîné vers son art.

Fils d’un médecin, destiné à la même profession, il quitta l’amphithéâtre pour le Conservatoire, où il étudia sous Reicha et Lesueur, il vit sa pension supprimée, et fut réduit à entrer comme choriste au théâtre des Nouveautés, à 50 francs par mois d’appointements, qui suffisaient aux sobres besoins matériels de cette vie consacrée tout entière à l’art.

Par l’horreur des formules vulgaires, le sentiment descriptif, la compréhension de la nature et le désir de faire exprimer à son art ce qu’il n’avait