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fauteuil de l’artiste, et lui souffle à l’oreille des conseils prudents. Sa foi ne reçut aucune atteinte, et, même aux plus tristes jours, malgré l’indifférence, malgré la raillerie, malgré la pauvreté, jamais l’idée ne lui vint d’acheter la vogue par une mélodie vulgaire, par un pont-neuf rhythmé comme une contredanse. En dépit de tout, il resta fidèle à sa conception du beau : s’il fut un grand génie, on peut le discuter encore, — le monde est livré aux controverses, — mais nul ne penserait à nier qu’il fut un grand caractère.

Dans cette renaissance de 1830, il représente l’idée musicale romantique : la rupture des vieux moules, la substitution de formes nouvelles aux invariables rhythmes carrés, la richesse compliquée et savante de l’orchestre, la fidélité de la couleur locale, les effets inattendus de sonorité, la profondeur tumultueuse et shakspearienne des passions, les rêveries amoureuses ou mélancoliques, les nostalgies et les postulations de l’âme, les sentimenis indéfinis et mystérieux que la parole ne peut rendre, et ce quelque chose de plus que tout, qui échappe aux mots et que font deviner les notes.

Ce que les poètes essayaient dans leurs vers, Hector Berlioz le tenta dans la musique avec une énergie, une audace et une originalité qui étonnèrent alors plus qu’elles ne charmèrent. L’éducation musicale en France était loin d’être aussi avancée qu’elle l’est aujourd’hui. Habeneck, dévoué au grand art, risquait de temps à autre quelques-unes des