Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

musicien romantique et littéraire : il aimait fort la ballade et il en cherchait dans les œuvres des poëtes de ce temps ; tout Alfred de Musset y avait passé, et nous nous souvenons encore d’avoir entendu Monpou chanter : « Avez-vous vu dans Barcelone… » avec une verve endiablée, des poses et des gestes comme Hoffmann en donne à ses musiciens fantastiques. Kreisler eût paru froid à côté de lui. Il cherchait l’originalité et la trouvait souvent. Jamais compositeur n’eut pour son art un amour plus furibond et plus enthousiaste ; nul ne se ménageait moins. Quand il était au piano et qu’il se sentait compris après avoir chanté une romance, il disait : « Et celle-là, comment la trouvez-vous ? » et il continuait ainsi, à notre grand plaisir, jusqu’à ce que les bougies arrivées à leur fin fissent éclater les bobèches. Il croyait comme nous aux sérénades, aux alcades, aux mantilles, aux guitares, aux castagnettes, à toute cette Italie et à cette Espagne un peu de convention mises à la mode par l’auteur de Don Paëz, de Portia et de la Marquesa d’Amaegui. Il mettait sur ces couplets tapageurs, écervelés et hardis comme des pages, une musique étincelante et folle, pleine de cris bizarres et de portements de voix à l’andalouse, qui nous plaisait fort. « Gastibelza, l’homme à la carabine, » cette guitare profondément espagnole de Victor Hugo, avait inspiré à Monpou une mélodie sauvage et plaintive, d’un caractère étrange, qui resta longtemps populaire, et que nul romantique, s’il en reste encore, n’a ou-