Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

but de longs traits à ces coupes vertigineuses que vous présentent les sphinx dont l’indéfinissable sourire de granit rose semble railler la sagesse moderne. Les cosmogonies et les théogonies, la symbolique des sciences occultes, occupèrent son cerveau plus qu’il ne l’aurait fallu, et souvent les esprits les plus compréhensifs ne purent le suivre au faite des Babels qu’il escaladait, ou descendre avec lui dans les syringes à plusieurs étages où il s’enfonçait.

Cependant, à travers cette combustion intérieure dont la flamme n’apparaissait que rarement au dehors, il faisait des récits de voyages, des promenades humoristiques, des nouvelles, des drames, des articles de journaux d’une fantaisie charmante et mesurée, d’un style fin et doux, d’une nuance argentée, car il s’abstint toujours des violentes colorations dont nous avons tous plus ou moins abusé, et le seul défaut qu’on puisse peut-être lui reprocher, c’est trop de sagesse.

Quel chef-d’œuvre que cette nouvelle de Sylvie insérée dans la Revue des Deux Mondes, et que la postérité placera à côté de Paul et Virginie et de la Chaumière indienne ! Quel mélange heureux de rêverie et de sensibilité ! Comme ces doux souvenirs d’enfance s’encadrent bien dans ce frais paysage !

Aurélia, ou le Rêve et la vie montre la raison froide assise au chevet de la fièvre chaude, l’hallucination s’analysant elle-même par un suprême effort philosophique. — Nous avons retrouvé les derniers feuillets de cet étrange travail, sans exemple peut-