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écoulé le poëte transformé en voyant qui nous déroulait de merveilleuses apocalypses et décrivait, avec une éloquence qui ne se retrouvera plus, des visions supérieures en éclat aux magies orientales du hatchich.

Quel que fût l’état d’esprit où il se trouvait, jamais son sens littéraire ne fut altéré. À cette époque que nous venons d’indiquer se rapporte une suite de sonnets mystagogiques qu’il fit paraître plus tard sous le titre de Vers dorés, et dont l’obscurité s’illumine de soudains éclats comme une idole constellée d’escarboucles et de rubis dans l’ombre d’une crypte ; les rimes sonnent aussi bien, la phrase quoique d’un mystère à faire trouver Orphée et Lycophron limpides, est d’une langue aussi admirable que si ces vers eussent été faits par un grand poëte de sang-froid.

L’Orient, après l’Allemagne, était la grande préoccupation de Gérard : du plus loin que nous le connaissons, il avait sur le chantier une certaine Reine de Saba, drame énorme, comparable à la Sémiramis trismégiste de Desjardins pour ses dimensions exagérées en dehors de tout cadre théâtral, qui, un instant, dut être mis en opéra à l’intention de Meyerbeer, et, reprenant sa forme de scénario, parut, sous le nom des Nuits du Rhamadan, dans le National, si nous ne nous trompons.

Il put voir le Caire, la Syrie, Constantinople, et il revint de ces voyages plus imbu encore d’idées de cabale, de magisme, d’initiations mystiques ; il